Le chat et la princesse

+6 ans

Cette histoire se joue avec deux marionnettes et des gommettes, une marionnette représentant un chat sans bouche, une autre représentant une princesse sans bouche, des gommettes dont une collée sur la marionnette du chat.

Un beau jour, un chat se promenait dans la forêt. Il sautait de branches en branches à la recherche d’oiseaux. Il arrivait rarement à les attraper même s’il prétendait le contraire. Parfois, quand il avait de la chance, il gobait des oeufs couvés par leurs parents et qui étaient tout chauds.

Ce jour-là, il avait gambadé toute la matinée sans rien trouver et il avait très faim. Cela semblait un jour spécial car les oiseaux avaient disparu. Seule une petite fille était assise sur une branche, ses jambes se balançaient dans le vide. Le chat se rappela les conseils de sa mère qui lui racontait que les enfants avaient toujours des petits gâteaux dans les poches pour qui se laissait caresser. Il s’approcha d’elle et rugit doucement. La petite fille releva ses cheveux et tourna la tête. Cela parut de bon augure au chat qui se mit à faire la conversation.

  • Bonjour, petite fille, je m’appelle le chat, dit le chat.

La petite ne lui répondit pas et se contenta de hausser les épaules. Le chat interpréta ce geste comme de la timidité et continua à parler.

  • Je passe ma vie dans les arbres à chasser les oiseaux. J’adore les oiseaux. C’est meilleur que les poules que mangent les renards. Les renards sont de gros patauds car ils ne savent pas monter dans les arbres. Dans les arbres, on est si bien. On dort dans les nids des écureuils, plein de noisettes qui vous massent le dos. On peut limer ses griffes contre l’écorce des arbres et boire leur sève comme du sirop. On peut jeter des châtaignes sur la tête des renards lorsqu’ils rentrent du poulailleret qui enragent tant qu’ils en oublient la poule qu’ils tenaient dans leur bec.

A ce moment, la petite fille détourna le regard, toute penaude. Et le chat s’aperçut qu’elle n’avait pas de bouche et qu’elle ne pouvait pas parler. Il en fut très intrigué.

  • Tu as perdu ta bouche et tu ne peux plus parler ?

La petite fille hocha la tête. Le chat était très curieux et se demandait comment on pouvait perdre sa bouche. Il demanda à la petite fille :

  • Je te prête ma bouche si tu me dis comment tu as perdu la tienne.

La petite hocha à nouveau la tête. Le chat décolla alors sa bouche et la déposa sur la petite fille qui se mit à parler doucement.

  • Je mangeais trop de bonbons, alors maman m’a enlevé ma bouche en me disant qu’elle me la rendrait ce soir au dîner.

Le chat était très touché par cette histoire, qu’il trouvait terriblement cruelle. Il avait très envie de laisser sa bouche à la petite fille mais, juste à ce moment-là, il se souvint qu’il avait très faim. Le chat chipa sa bouche d’un coup de griffe pour la recoller sur son visage.

  • Excuse-moi, je n’ai pas encore mangé, je vais devoir me hâter pour trouver des oeufs. Est-ce que tu reviendras demain ?

La petite fille dit oui de la tête sans lui proposer un bonbon pour le retenir. Le chat partit alors en chasse avec un grand sourire et le secret espoir qu’il recevrait quelques sucreries la prochaine fois. Il rêvait d’y goûter depuis que sa mère lui en avait parlé alors qu’il était tout petit.

Le lendemain, ils se retrouvèrent au même endroit dans l’arbre. La petite fille n’avait toujours pas de bouche. Le chat était triste et tendit tout de suite sa bouche à la petite fille.

  • Je n’avais pas faim hier soir et maman m’a encore puni parce que je n’avais rien mangé.

Le chat reprit espoir. Il pensait que la petite fille avait perdu l’appétit à cause d’un gros gâteau avalé en cachette. Il décida de prêter la moitié de sa bouche à la petite fille et avec chacun leur moitié de bouche, ils purent chuchoter.

  • J’espère que tu n’es pas trop souvent punie ?

  • Presque tous les jours !

  • Comment est-ce possible ?

  • Ma mère trouve toujours une raison pour me punir. Il suffit que je chipe un morceau de pomme sur la tarte qu’elle vient de faire, que j’oublie de lui dire bonjour le matin ou au revoir le soir, que j’oublie de ranger mes jouets quand je joue dans ma chambre. J’ai beau essayer de ne pas faire de bêtise, je n’y arrive jamais et je me fais tout le temps punir.

  • Et la punition consiste toujours à perdre ta bouche ?, demanda le chat.

  • Non, mais c’est celle que je préfère. Je me souviens qu’une fois, on m’a enlevé un bras pour toute la journée et je ne pouvais plus monter dans les arbres. Et comme je suis souvent toute seule, ma bouche ne me manque pas.

Le chat n’osait pas rire. La petite fille ne semblait pas avoir l’air triste. Il se contenta de sourire avec sa moitié de bouche, ce qui n’était pas facile.

  • Que fait ta mère quand tu n’es pas là ?, continua le chat.

  • Elle invente des bêtises et des punitions. Elle est très douée pour ça. C’est la Reine.

  • La reine des bêtises et des punitions ?

  • Non, la Reine du pays, et mon père c’est le Roi, et moi, je suis la Princesse. Maman me dit qu’il faut que je sois très souvent punie comme ça, je pourrais faire comme elle plus tard et inventer des bêtises et des punitions.

Le chat pensait que le pays de la petite fille était vraiment très étrange et qu’il préférait sa vie dans les arbres, sans bêtise et surtout sans punition. Il avait également très envie de s’en aller car la petite fille lui semblait vraiment trop bizarre maintenant qu’elle lui avait raconté son histoire de bêtises. Il se souvenait que sa mère à lui ne l’avait pas souvent puni, mais à chaque fois, elle avait été très en colère et il s’en souvenait encore aujourd’hui.

Le chat se rappela aussi qu’il n’avait toujours pas eu son gâteau. Les petites filles ne lui semblaient plus aussi gentilles que dans les histoires de sa maman.

  • Dis-moi, tu as déjà inventé des bêtises et des punitions ?

La petite fille était visiblement ravie que le chat lui ait posé la question. Elle prit sa moitié de bouche et la mit dans sa poche d’où elle sortit sa vraie bouche. Tout en souriant au chat, elle lui répondit d’une voix plus forte :

  • Aujourd’hui, j’ai décidé que les chats n’auraient plus le droit de manger des oiseaux et leur punition sera d’avoir la bouche si petite que les oiseaux ne pourront plus y entrer.

La petite princesse sauta sur le sol et partit en courant vers son château. Le chat tenta de rugir mais sa petite bouche ne lui permit que de miauler. Il galopa en vain pour rattraper la petite princesse dans l’espoir de récupérer la moitié de bouche qu’il avait perdue. Après qu’elle eut disparu, le chat était très en colère. Il espérait aussi qu’elle ne donnerait pas sa bouche au renard.

Depuis ce jour, les chats ne sont plus sauvages, n’aiment plus les gâteaux et ne mangent plus les oiseaux. Ils miaulent et mangent des croquettes. Mais s’ils ronronnent, ce n’est pas pour faire plaisir aux enfants, c’est parce qu’ils espèrent toujours qu’on leur rende leur bouche.