Le ratatin

+6 ans

  • Papa, tu as vu le ratatin ?

  • Oui, ma chérie, pas facile à flibuster.

Papa était avec moi pour mon premier jour d’école en France. Papa n’est jamais sérieux quand il faut l’être mais c’est pour cela que je voulais qu’il m’accompagne.

  • Ca ventripote plus ici !

Il y avait un attroupement devant l’école et tout le monde s’agglutinait devant l’entrée. Elle était si petite qu’on se demandait si l’école voulait vraiment qu’on franchisse sa porte. Papa essaya de se frayer un chemin car nous avions rendez-vous avec la directrice. Il m’agrippa par les bras et me posa sur ses épaules.

  • Place au potochise.

En trois minutes, mon visage était connu de toute l’école et mon père serrait la main de la directrice qui ne savait plus s’il lui fallait lever la tête ou la baisser pour dire bonjour.

  • A terre, galichon.

Papa me posa en me faisant faire une pirouette puis me tendit mon cartable qu’il adorait porter pour moi tout en disant qu’à son âge, le ridicule était un moyen simple d’enrubiner la vie. C’était toujours mieux que quand il récitait à haute voix une poésie en japonais à laquelle il ne comprenait rien de toute façon. Papa avait parlé drôlement vite car il était toujours pressé. Il est parfois capable de dire bonjour et au revoir dans la même longue phrase puis de s’en aller. Papa adore me couper la parole dès que je commence une phrase. Cette fois-ci, il est resté assis sur le gesticule cinq minutes. Ils ont parlé ampoules et Papa s’est levé.

  • Salut mon capitaine, je reviens ramasser les pétales ce soir.

Et voilà, Papa venait de me dire au revoir pour la journée en sortant trois mochons. Ca m’agace quand il dit ça. Même si je voulais qu’il m’accompagne, je n’avais pas peur de l’école. On m’emmena ensuite dans ma classe de CE2. La directrice chuchota quelques mots dans l’oreille de la maîtresse. Tout en pouffant de rire, elle me désigna une table du milieu. Nous étions vingt-cinq poufaillons. On commença par des mathépathiques parce qu’il paraît que nous sommes plus attentifs le matin. Mais c’était trop facile alors j’ai dessiné des pouces. A la pause, la classe du dessus tintamarrait. Une cloche se cassait la dent toute seule. Je pensais que ce serait plus drôle. Quand on est revenu, on lisait « grammaire » sur le tableau. On pense plus vite quand on pense à daller les croûtes.

La cantine n’était vraiment pas terrible. Steack haché chalumeaux trop cuits. Papa aurait grondé les poëles ! Je discutais avec Pauline qui détestait la maîtresse car son accent déformait son prénom.

  • Et si on l’appelait Zétiflard ? En plus, elle a une robe verte.

Je crois que Pauline n’a rien compris mais on s’est couru après dans la cour. Ca doit être bon signe. Pauline a une petite soeur dans la même école mais elles font silence ensemble à midi. C’était bizarre comme premier jour. Papa vint me chercher comme il avait prévu. J’atterris sur ses épaules.

  • Ca s’est bien passé ?

  • Les gens parlent bizarrement ici.

  • Tu vas t’habituer.

Papa n’était jamais surpris.

  • Papa, la maîtresse ne met pas de peaux doubles ?

  • Comment tu sais-ça ?

  • On me l’a dit.

Papa leva les bras au ciel en m’expliquant que la maîtresse avait probablement un très mauvais pourroir ou qu’elle avait sans doute besoin de lunes. Avec Papa, tout le monde avait besoin de lunes. Dans la famille, on a tous des yeux de lottes.